Il était une bonne centaine de fois...

ou "Une analyse poussée de la vie merdique de Blanche-Neige, telle qu'évoquée dans le Mini-texte n°4"


Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants…
Combien d’entre nous se sont laissés amadouer par une conclusion aussi banalement navrante que mensongère ? Combien d’entre nous ont attendu vainement le prince charmant (ou la princesse charmante, ne soyons pas sexistes !) qui les sauveraient enfin de leur enfer, avant de se faire à l’idée qu’il (ou elle) n’existait pas ? Combien d’entre nous, enfin, l’attendent encore malgré les déceptions du monde réel?
Décidément, rien n’est plus faux, plus mesquin, plus idiot qu’un conte pour enfant. Il nous berce d’illusions, nous met au fond du crâne que le Beau va de paire avec le Bon et que ce dernier, quoi qu’il arrive, triomphera toujours du Mal. Jusque là, rien de particulièrement monstrueux si ce n’est que nous vivons précisément dans une société où la concurrence déloyale, l’argent, les coups de poignards dans le dos sont au centre de tout. Bien sûr, le culte du corps et de la beauté est également prépondérant. Voilà enfin un point commun avec cet univers féerique !

Ouvrons les yeux et ne nous laissons plus berner. Grande nouvelle, chers amis : les contes de fée n’existent pas ! Non seulement vous ne croiserez pas l’âme sœur en allant acheter du pain, mais il y a également de forte chance pour que le boulet dont vous vous êtes amouraché ne soit ni plus séduisant, ni plus sympathique après six gosses et trente ans de mariage. Faites-vous simplement à l’idée que tout comme vous, Cendrillon, Blanche Neige et les autres pimbêches de la même espèce ont probablement dû retrouver leurs bicoques poussiéreuses lorsque leurs princes les ont lâchement abandonnées pour des pestes plus jeunes aux seins refaits !
Après tout, pourquoi se limiter aux périodes de bonheur ? Ne peut-on pas raconter la vraie vie de ces pauvres filles ?

On se contente en effet de résumer les soixante années à venir par : ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants… Jamais l’on évoque les premières rides de la Belle au Bois dormant, ses kilos en trop, ou encore sa dépendance aux narcotiques. Jamais l’on ne parle des désaccords permanents entre Cendrillon et son homme, de ses crises d’hystérie et de rangement aigues. Et l’amant de Blanche Neige ? Et la dépression de Peau D’âne ? Pas un mot !

Par ailleurs, est-on seulement obligé d’avoir beaucoup d’enfants ? Est-ce là un synonyme de bonheur inaliénable ? Cela signifie donc qu’il n’y a, dans l’univers des contes de fées, aucune princesse, aucun prince qui ait décidé de consacrer sa vie entière à sa carrière. Aucun n’a pris la décision d’arrêter définitivement de se tourner les pouces pour lancer sa propre entreprise. Aucun, ou plutôt aucune, n’a pris conscience qu’elle serait certainement plus indépendante si elle cessait enfin d’être entretenue par son prince (charmant ou non). Pas une seule n’a un seul instant songé au fait que son couple serait ruiné par l’arrivée soudaine d’un petit être hurlant et nauséabond. Quand à l’idée d’en avoir beaucoup, imaginez un moment les conséquence d’un tel ras de marée sur un couple aussi instable…Oui, car, vraiment, choisir son épouse à l’aide d’une pantoufle, c’est au moins aussi absurde que de le faire dans une émission de télé-réalité (quoi ? ça existe aussi ?!).
Jamais, donc, nous n’entendrons parler d’un homme, prince ou non, beau ou laid, qui a préféré choisir le célibat et la réussite professionnelle au terme d’un conte. Encore moins d’une femme !
Non content d’être misogynes, ces récits nous donnent à voir (tout comme la presse féminine et certains navets cinématographiques) une route toute tracée qu’il faut, d’emblée, embrasser pour accéder au « Bonheur », tel qu’envisagé par tous ceux qui ont « deux sous de jugeote ».

Alors oublions un peu le Bien et le Mal, trop présents dans notre culture et rappelons-nous que ces notions sont bien abstraites et subjectives. Oublions également les histoires d’amour pompeuses et rose-bonbon, ce qui permettrait accessoirement de ne plus imposer comme modèles féminins des nouilles obnubilées par le mariage.
Sans compter, et au risque de décevoir petits et grands, qu’une souillon a bien peu de chance de séduire un prince richissime, (non mais sans déc’, soyez un peu réalistes deux secondes !). Idem pour la Belle et la Bête. Si ce conte est l’un de mes préférés, il n’est pas pour autant très crédible. Face à un monstre de trois mètres sur deux qui leur fait la cour, ces dames ont bien souvent tendance à s’écrier (au choix) :
« Au secours !!!!! »
Ou encore :
« Euh… je t’aime bien, mais je préfère qu’on reste amis »

Comme vous l’avez sûrement compris, nous ne serons pas tous des princes et des princesses, ni même des stars de la chanson ou du cinéma. Peu d’entre nous (et encore je tente de faire preuve d’optimisme) remporteront le gros lot à Euromillion, et bien moins encore rencontreront, à l’adolescence, la moitié qui leur était destinée et n’aimeront jamais plus qu’elle jusqu’à ce que la mort les séparent à l’âge honorable de 108 ans 3/4.
La vie est dure et pas toujours très gaie, mais consolez-vous tout de même : il parait qu’on en a qu’une…

Commentaires

  1. Wai en fait, je veux pas te déçevoir mais si on suis ton raisonnement il faut devenir un parfait connard d'égoiste XD

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  2. mais non, pas "égoïste" du tout, juste "réaliste", nuance. ;-)(après, pour "connard", j'dis pas...) sinon, merci beaucoup pour tous ces petits commentaires. ça m'a fait très plaisir!

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