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Affichage des articles du 2017

La garde

On m’a postée devant la porte, au dernier étage de la plus haute tour. On m’a dit « Tu bouges pas » et comme on a ajouté « C’est un ordre », j’ai obéis. C’est la formule magique, la règle du jeu. Un peu comme si on avait dit « Jacadi a dit : reste ici ! ». Seulement voilà, ils sont tous partis et moi je suis restée, sans bouger. Ou presque. Au début j’étais droite comme un piquet, fière, imperturbable. Un pet de mouche n’aurait pas fait frémir les poils de ma moustache. Mais de moustache, en vérité, je n'ai point, à peine un clair duvet au dessus de la lèvre et encore, c'est beaucoup dire ! Peu à peu, mes cheveux ont poussé et je me suis affaissée. Je me suis appuyée nonchalamment sur ma hallebarde. Comme j’aspirais à davantage de confort, j’ai commencé à me mettre à l’aise. J’ai ôté mes jambières pour pouvoir fléchir un peu les genoux. J’ai dégrafé la bavière qui m’entaillait la gorge, puis je me suis débarrassée de mon casque qui, non content de me faire une tête d’abrutie,

Petite chose

Ça suffit, j'en ai ma claque ! Je ne veux plus être "la petite".... Je ne suis pas fragile. Je ne vais pas me briser en mille morceaux sous le coup de la colère, de la tristesse ou de la frustration. Je veux que l'on me traite en adulte. Je n'ai pas besoin de votre protection, je n'ai plus 3 ans, je ne crains pas les bobos au corps et à l'âme. Je n'ai que faire de vos précautions, je ne suis plus une sale gosse impulsive de 13 ans et demi. Eh, devinez quoi ? J'ai mûri. 30 ans, voyez-vous, il était temps ! Désormais, c'est absolument hallucinant : je sais écouter, comprendre, analyser. Je suis un être humain ordinaire. Pas une plante verte. Pas un bibelot en porcelaine de Limoges. Pas une espèce en voie d'extinction. J'ai traversé des épreuves et des bonheurs, comme tout un chacun. J'ai rencontré des salauds et des gens bien. Je me suis forgée un caractère, une carapace, des rêves, des valeurs... Comme vous probablement. Ne su

Pomme et au-delà

Cela s’est passé à une période où je ne dormais ni suffisamment, ni correctement. On séjournait à Dublin, chez un type qui cherchait visiblement plus à rentabiliser les deux pièce "en trop" dans sa jolie maison qu'à échanger avec des gens passionnants autour d'un thé et d'un paquet de fraises Tagada (merci Airbnb pour ces moments de grâce et de chaleur humaine digne d'un hôtel Ibis…) La chambre n'était pas bien isolée et n'avait donc rien de très reposante (le minimum syndical après avoir crapahuté partout, en bons touristes assoiffés de visites et de découvertes). Le mec hébergeait également une connasse jeune femme qui avait la fâcheuse habitude de rentrer à 1h du matin, de repartir à 6h et de téléphoner haut et fort entre temps. Bref, niveau sommeil réparateur, j’ai connu largement mieux. Quelque part entre 1h30 et 6h, après qu’on lui ait demandé poliment de bien vouloir fermer sa grande gueule, j’ai pu bénéficier d’un peu de répit et j’en ai prof

Olympia

Le plus pénible, ça a été d’occuper le chat pendant tout ce temps. Il ne cessait de sauter du lit et contemplait par la fenêtre les pigeons d’un air gourmand. C’était un chat de gouttière charbonneux, maigre et couvert de crasse. Édouard l’avait trouvé   le matin même, en sortant de chez lui. J’avais d’abord refusé de le laisser enter avec cet animal répugnant qui empestait les ordures et trimbalait des puces à foison. On les voyait même bondir frénétiquement, dans une folle nuée d’insectes suceurs de   sang. Il avait insisté. J’avais grimacé. Ce maudit greffier allait contaminer notre pauvre réduit ! C’était déjà pas bien commode de vivre à trois (une modèle, une danseuse et une couturière) dans une si petite pièce, si en plus on attrapait la gale ! Mais comme Édouard n’en démordait pas, que selon lui ça équilibrerait la composition et y apporterait une touche de mystère et blablabla… j’ai fini par céder. Lorsque Flavia est arrivée, j’étais déjà nue, allongée sur le lit, et le

Scandale

Cynisme enclenché !* -  2017, le monde découvre avec effroi ce qui se trame derrière les murs calmes et ternes de nos bibliothèques. Un groupe de militants, n’écoutant que leur courage, a hardiment forcé les poubelles scellées d’une médiathèque du sud de la France et là…. Horreur ! Un spectacle effroyable leur a fait monter les larmes aux yeux. Dans la bene, des centaines de livres gisent, attendant la mort. Le personnel local se défend : on ne jette pas aveuglément, non ; on rafraichit, on désherbe. C’est parait-il indispensable. Mais comment diable peut-on se prétendre défenseur des livres et de la culture si on n’est pas fichu de les protéger de la folie consumériste du vite-acheté vite-jeté ? Car bon sang de bois, un livre est un objet à part, un objet sacré ; ce n’est pas une vulgaire miche de pain, une paire de chaussettes ou une chaise. C’est…c’est…bien plus que ça ! Un livre, c’est le patrimoine, la mémoire, l’art, l’esprit. Un livre, c’est un supplément d’âme ! -  Ah ou

Les mystères inextricables de la boîte de retour

« Je l’ai rendu, j’en suis sûr ! En fait, je l’ai mis dans votre boite ! C’est sûrement ça, le problème. » Alors, alors… Mettons les choses au clair. Quand votre facteur dépose une courrier dans votre boite aux lettres, quelle est au juste la probabilité qu’il se perde avant que vous ne le récupériez ? Existe-t-il une faille spatio-temporelle tout au fonds, qui aspire fatalement les objets qui auraient le malheur de s’y aventurer ? On admettra que c’est relativement peu probable. Évaluons les possibilités : ou bien votre facteur n’a JAMAIS déposé le-dit courrier dans votre boite, ou vous ne l’avez pas récupéré, ou encore, vous l’avez bel et bien intercepté mais l’avez rangé sans l’ouvrir (erreur, oubli, que sais-je !) Si l’on revient au cas qui nous intéresse, à savoir notre boite de retour magique qui dévore les documents que les usagers innocents et consciencieux glissent à l’intérieur avant la date fatidique, essayons de faire le point : -  Première hypothèse, nous avons oublié d

Jeanne d'Arc ?

En ce moment, il parait qu’on n’est pas correct avec le public et qu’il va falloir y remédier fissa. Ça s'était un peu calmé jusque là, mais il semblerait qu'il y ait eu de la récidive ! D’aucuns se seraient plaints auprès de la direction ou de la mairie. Des attitudes, des remarques un peu limites seraient à déplorer. Alors bon, j’dis pas, ça peut arriver : on n’a pas que des gens charmants parmi les employés (ni parmi les usagers d’ailleurs…enfin ça, c’est un tout autre problème). Mais ce matin, j’ai mis un pied dans la Quatrième dimension des rapports humains. Un truc étrange, inexplicable, à la frontière du surnaturel. Je termine les prêts d’une personne, lui donne la date de retour, la salue gentiment (ah si-si, j’vous jure : sage comme une image !) ; puis je me tourne vers ma collègue (qui se reconnaîtra si elle passe par là) pour répondre à la question que celle-ci m’avait posée avant l’arrivée de la lectrice. J’ai à peine ouvert la bouche que cette dernière, arrivée

Médian

Dernièrement, un humoriste et chroniqueur engagé a évoqué avec nos « chers députés » la possibilité de faire quelques menues économies sur leurs salaires. Après tout, s’il faut se serrer la ceinture en temps de crise, je suis absolument certaine que ces messieurs (et fort peu de dames, sexisme ordinaire oblige, mais ne les oublions pas) seraient prêts à montrer l’exemple, que dis-je, à mouiller la chemise (si coûteuse soit-elle, je suppose qu’on ne s’habille pas chez H&M quand on est député) pour nous sortir un peu de la panade. Bien évidemment, c’était une boutade que nos représentants ont, en définitive, fort peu goûtée. Jouer avec la santé, l’éducation et le niveau de vie de 65 millions de français : soit. Toucher à l’argent de poche de papi Michu qui roupille à l’Assemblée : ‘pas possible d’entendre des conneries pareilles ! N’empêche… On sait tous qu’entre les 3 millions et demi de chômeurs et les 600 000 élus du pays, c’est plutôt les seconds (et encore, une petite partie)

Cats

Je tourne la clé dans la serrure, la porte s'ouvre dans un grincement macabre. Fulbert est là, vautré dans le canapé. Il me lance un regard dédaigneux, plein de reproches. "Oh, ça va, hein !" J'accroche ma veste au porte-manteau, balance mon sac par terre, avant de tituber jusqu'au canapé. Je m'écroule lamentablement et manque d'écrabouiller Fulbert qui prend la fuite avec un "mrou!" de mécontentement. Bien évidemment, il file dans la cuisine et pose son arrière-train roux et dodu devant le saladier en inox qui lui sert de gamelle, "Mon petit père, tu as quand même de sacrées réserves, alors merci de me laisser souffler !" J'allume la télévision et tombe nez à nez avec une de ces ignobles bouses de la téléréalité. Quelques chaines plus loin, un programme de télé-achat me vente les miracles d'un produit granuleux, couleur ciment, capable de faire fondre mes "kilos en trop en moins de trois semaines !" Je grimace