Abdominable

J'ai un petit creux au creux du ventre, quelque part sous la cage thoracique, légèrement sur la droite. Sur la droite de mon point de vue, mais à gauche du vôtre. Un creux imperceptible mais qui se gave tel un trou noir de tout ce qui ne va pas: doutes, peurs, mal être, malheurs, mélancolie, larmes, attente, angoisses... Un minuscule trou noir spongieux qui aspire les "à quoi bon?" et les mauvaises pensées qui tiennent éveillées tard le soir ou qui tirent du sommeil en un sursaut.

C'est un petit creux tout mignon, tout innocent, de prime abord. Un petit creux-valise où l'on enferme tout ce dont on s'occupera plus tard, tous ces problèmes qui n'en sont pas vraiment et qui peuvent très bien attendre d'en devenir de gros ou de disparaître totalement, tout écrasés qu'ils sont par le poids de la vie, des années, des réalités.
Ce petit creux charmant, tendre et câlin qui lacère affectueusement mon ventre et mes pensées, ce petit creux tout mou, tout rose, ou peut-être bleu et jaune, qui sait! Ce petit creux qui semble n'aimer que moi mais qui me fait quand même un peu mal en s’agrippant de la sorte à ma chaire. Je crois qu'il projette de l'entamer, d'en grignoter juste un petit morceau de temps en temps. Cela ne peut pas être bien méchant. Un trou noir aspirerait volontiers tout ce qui passe à sa portée, mais ce petit creux-là est malin. Il a bien compris qu'à force de tout engloutir, il n'aurait bientôt plus aucune ressource, que mon être tout entier dévoré, il ne lui resterait plus qu'à se dévorer lui même. Alors il attend, sagement, patiemment, roulé en boule sous mon thorax, niché bien au chaud. Il attend que passe à proximité erreurs, déceptions et coups de cafard. Si ça ne nourrit pas vraiment son Homme, ça peut parfaitement suffire à un petit creux comme le mien! Et avec moi, il peut être certain de ne jamais manquer de rien.

Mon petit creux-valise est un peu comme le sac de Mary Poppins. Il n'a l'air de rien comme ça, mais on peut y nicher une multitudes de pensées. Il semble s'étendre, ce maudit trou noir, mais uniquement de l'intérieur, comme si un univers tout entier, un univers sombre et sale, se développait au creux de mon ventre. Ce petit creux progresse vers l'intérieur de lui-même, jamais vers l'extérieur, où il sait d’emblée qu'il rencontrera des limites. Mes limites. Et plus il creuse, plus il a besoin de se nourrir. Et plus il dévore, plus il a besoin de place. C'est un cercle vicieux, un creux vicieux qui digère mon esprit, en fait du composte qu'il utilise ensuite pour bâtir son univers. Un univers dans mon corps. Mon corps dans l'univers. Et dans ma tête? Encore un univers! Mon univers bouffé par un si petit creux. N'est-ce pas un comble tout de même!?

Ce misérable creux boulimique, doux et sournois, méchamment adorable, où lover les coups de blues, les nostalgies, les remords et regrets de tous poils. Cette petite ordure qui dévore sans scrupules des morceaux de moi et les exploite, les transforme, les recycle en de véritables cauchemars architecturaux qui s'effondrent alternativement puis se redressent comme si de rien n'était. Un petit creux, immense en définitive, qui me préfère en vie car il se sait à l'abri, vivant, lui aussi. Un petit creux que l'on rêverait d'extraire sauvagement à coup de cuillère à glace, telle une jolie boule de sorbet au citron, mais dont on sait parfaitement que c'est impossible. Un petit creux... un creux... un grand vide qui gèle progressivement tout ce qui l'entoure.
Mais que disais-je déjà? Cela ne peut pas être bien méchant?

Commentaires

  1. Et à part ça, plus rien à dire ? :'(

    RépondreSupprimer
  2. Bah oui...grosse baisse de régime ces derniers temps et, pour ne rien arranger, pas mal d'autres chats à fouetter en cette fin d'année (notamment le mien, de chat, une ptite teigne!). J'espère trouver quelque chose à dire d'ici peu mais je ne peux malheureusement rien promettre :-(

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire