Mythic.com : Fidélité

-  Le problème de ma femme, c’est qu'elle est plutôt coincée. Au propre comme au figuré, si vous voyez ce que je veux dire. Non, pour sûr, vous ne voyez pas…
Ma femme est un être exceptionnel. Et je dis pas ça parce que je suis son mari. De toute façon, ça fait des siècles que je ne la supporte plus, alors loin de moi l’idée de lui lancer des fleurs ! Non, je vous assure, ma femme est réellement un personne d’exception. Moi aussi d’ailleurs… Du coup, quand je vous dis qu’elle est coincée, c’est tout autant d’un point de vue métaphorique que physique. Mais je ne vais pas entrer dans les détails, il faut respecter son intimité et puis je ne voudrais pas tomber une fois encore dans le graveleux. Comme le dit si souvent ma fille « Je ne sais pas ce que j’ai fait pour avoir un père aussi beauf ! ». Un bel esprit, ma fille ! Une vraie curiosité de vivre et une grande maturité pour son âge… J’ignore d’où elle tient ça. Certainement pas de moi : je suis tellement rustre. A ce demander si c’est bien la mienne !

Ah les mômes ! Encore un sujet de discorde avec ma femme !  Les familles recomposées, c’est pas de la tarte, croyez moi !
Ceci dit, j’ai un fils (je sais plus exactement lequel…) qui prétend que c’est un peu de ma faute, que si je ne voulais pas avoir à m’occuper de toutes mes conquêtes et de la douzaines de mouflets qui en résultent, j’aurais dû m’y prendre autrement. J’aurais dû rester fidèle, quoi !!! Mais comme je vous l’ai dit au début, ma femme, c’est un sacré caractère. Non mais je vous assure, ‘faut se la farder ! Je n’ai rien contre les liens sacrés du mariage, l’amour éternel et toutes ces conn….euh…ces belles promesses ; mais franchement, l’éternité avec une mégère pareille, si j’avais pu prévoir, j’aurais passé mon tour.

 Alors, bien sûr, je vois d’emblée se liguer contre moi des hordes de harpies féministes en furies, prêtes à m’arracher les yeux…et bien d’autres choses encore. Je n’ai qu’une chose à dire pour ma défense : si elle avait été un peu moins psychorigide et rétrograde, ça ferait belle lurette que notre histoire serait terminée, enterrée, oubliée. J’aurais pu courtiser tranquillement des pelletées de nymphettes peu farouches et elle, conserver sa dignité de femme libre, fière et non-cocufiée. Tout aurait été pour le mieux dans le meilleurs des mondes possibles… Même si bon, d’accord, des mômes, j’en aurais toujours eu autant.

Enfin, être père intermittent, c’est pas si mal. C’est amusant même. Les enfants sont formidables, comme disait l’autre gus : Y’a le rusé toujours en vadrouille, la jolie poupée romantique, le garçon-manqué qui me fait du souci, la grosse-tête qui sait tout sur tout, le costaud pas très malin, le pas-jojo assez touchant, le bon vivant comme son papa… Ah! Si vous saviez comme je les aime, ces petits ! C’est bien simple, s’il y en avait des dizaines et des dizaines de plus, je crois bien que je les aimerais tout autant. D’ailleurs, blague à part, on prétend que c’est le cas. On prétend qu’avec ma descendance, il y aurait de quoi peupler l’ile de Rhodes. Enfin, ce sont des histoires, des rumeurs visant à se payer ma fiole. Et comme y’a pas de preuve…

Quand bien même, il y en aurait, ma femme se débrouillerait certainement pour les faire disparaitre…Les preuves, hein ! Pas les gosses ! Quoique, à bien y réfléchir… Je n’irai pas jusqu’à prétendre que c’est une violente mais…Disons que pour nier les évidences, c’est une experte.
Je sais pas bien ce qui m’a pris de l’épouser. J’ai pas souvenir d’avoir été bourré, qu’elle ait été en cloque, ni même qu’on m’ait forcé la main. Pourtant, d’aussi loin que je me souvienne, ça a toujours été une garce. J’aurais dû me méfier. Ou peut-être bien que cela m’excitait. Je me suis peut-être bien dit : « Ouh, le jolie petite vierge effarouchée !  Je vais me charger de te la dévergonder, moi ! ». Ça, pour être jolie, elle l’était sacrément. Très objectivement, elle l’est toujours, mais son amertume la rend parfois si laide. C’est de ma faute, dirait le fiston, c’est moi qui l’ai rendu amère. Non. Je crois pas. Elle a toujours été jalouse. Affreusement, monstrueusement jalouse. A s’en faire dévorer les tripes par les rats de la jalousie. Je sais pas bien si ça existe, les rats de la jalousie, mais si je devais représenter ce sentiment, ce serait l’image adéquate.
Vous vous en doutez, je ne l’ai pas tellement dévergondée, la vierge effarouchée. Elle l’est tout autant qu’avant, si ce n’est plus, et moi, j’ai la curieuse impression de m’être fait avoir sur la marchandise.

Vous comprenez, Docteur, au début, quand on est jeune, la jalousie, c’est presque attendrissant. On se dit naïvement que la fille vous aime au point d’en découdre avec l’univers entier. Puis on comprend. On comprend que ça n’a rien à voir avec de l’amour.
Maintenant, je m’y connais en amour : j’ai une fille dont c’est le fonds de commerce. Elle fait un peu dans le matrimonial, vous voyez. Mais ma femme, elle ne m’aime pas vraiment, pas plus que je ne l’aime moi-même. Tout ce qu’elle veut, à mon avis, c’est me garder enchaîner, sauver les apparences, ne surtout pas passer pour la…dinde de la farce. La jalousie, final de compte, je pense que c’est surtout un gros problème de confiance et d’orgueil. Cette connerie de fidélité aussi ! C’est ça le problème de ma femme, Docteur : elle manque cruellement de confiance en elle. Et en moi. Ce qui peut se comprendre, vous m'direz.

-  Bien. La séance est terminée. Je pense que nous avons bien progressé, Monsieur Zeus. Pour le prochain rendez-vous, voyons…jeudi prochain, même heure, cela vous irait ?

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