Con, cours !

Cette année, une fois encore, je vais devoir passer mon sempiternel (3e, en vérité) concours pour accéder à la fonction suprême et tant convoitée d’Assistant de Conservation du Patrimoine et des Bibliothèques. Un titre ronflant pour désigner une personne qui gère des collections de documents, vous conseille et organise tout plein d’animations fort sympathiques pour petits et grands, dans un univers merveilleux, plus connu sous le nom de « médiathèque ». Grosso-modo, ce que je fais cinq jours sur sept depuis un bon bout de temps. Ni plus, ni moins.

Je vais devoir me lever de bonne heure (bon admettons...) avec une boule au ventre, prendre un RER qui ne fonctionne correctement que 6 jours par an (petit indice : c’est la première lettre de l’alphabet), patienter pendant une heure dans une zone industrielle tristoune et plancher trois heures durant sur le sujet obscur d’une note de synthèse inutile. La note de synthèse, pour ceux qui se poseraient la question, c’est effectivement une épreuve qui ne sert à rien. Aucun corps de métier ne l’utilise de manière aussi systématique qu’on veut bien nous le faire croire. A vue de nez, je dirais que trois personnes à tout casser doivent en faire une toutes les deux semaines, quelque part dans l’hexagone. Une bonne raison de se pourrir la santé pendant des mois pour réussir la sienne, non ?!



Non, forcément. Une journée de perdue à faire un travail inutile, ça ne donne pas spécialement envie de danser la Macarena en sifflant des cocktails. Mais des raisons d’y aller malgré tout, il y en a bien quelques-unes (sans quoi, ce serait du masochisme !). Le salaire, pour commencer… parce que, quoi qu’on en dise, les sous, c’est bien pratiques et que sans concours, point d’évolution de carrière (ou si peu). Pour certains candidats, des responsabilités ou un poste plus intéressants, après des années passées en catégorie C. Mais celle qui a ma préférence et qui vaut son pesant d’oranges amères, c’est tout simplement que j’en ai un peu besoin. Comme je le disais plus haut, après sept années de bons et loyaux services dans la Fonction Publique Territoriale, je ne suis toujours pas considérée comme légitime à mon poste. J'enchaine les CDD ad vitam aeternam et je ne peux prouver ma valeur qu'en décrochant ce fichu concours. Or, on l’aura deviné, les concours, c’est vraiment pas ma tasse de thé ! Sinon, forcément, je l’aurais eu plus tôt !

Résumons : ça fait un sacré moment que j’investis du temps et de l’énergie pour mes collègues, pour les collections et surtout pour le public, mais à part ces menus détails, je ne suis pas, techniquement parlant une « vraie bibliothécaire ». Parce que je n’ai pas décroché le pompon, le Graal, la crème que tout contractuel convoite : un flûtain de papelard qui stipule que, c’est bon, j’ai fait une dissert’ pas trop merdique, j’ai répondu à 4-5 questions sur les collectivités territoriales et je me la suis racontée devant un jury qui ne connaît strictement rien à ce boulot (à part peut-être ce qu’il en a vu dans les films) ; donc je suis admise dans le clan très fermés des vrais « Assistants !!!!! ». Plus compliqué que de rejoindre les francs-maçons, je vous dis !

Alors, forcément, je suis pas tout à fait joisse. Le concours arrive à grands pas. Dans un mois et demi, j’y serai. A nouveau. Et je n’ai ni la motivation, ni les pseudo-compétences requises pour l’obtenir. En fait, pour tout dire, je n’ai aucune envie de les avoir. Parce qu’en ce qui me concerne, JE SUIS LÉGITIME. Ces gens par contre, ne sont pas habilités à me juger. Tout ce qu’ils voient de moi, c’est un machin apeuré qui tremble sur sa chaise à l’idée de louper, une fois encore, son passeport pour la titularisation. Et qui VA le louper, assurément ! Pour la simple et bonne raison qu’il faut bien écrémer, que même si on est compétent et qu’on aime ce qu’on fait, ça reste un concours : y’en aura pas pour tout le monde !

Pourquoi je devrais les prendre au sérieux ? Pourquoi je devrais respecter cette formalité alors que ce système n’a aucun respect pour moi ? Sept ans d’implication, sept ans de précarité… Alors que, bon, soyons honnêtes, j’en ai vu, des fonctionnaires (des cas isolés, heureusement), des purs et durs, titulaires depuis 10, 20, 30 ans, qui ont les mêmes missions que moi, et qui ont la motivation de poissons rouges neurasthéniques après un marathon. Des qui parlent aux usagers comme à des chiens. Des qui chient dans la colle, bien comme il faut, quand on leur réclame le moindre effort. Des qui vous prennent de haut, parce qu’ils sont là depuis tellement longtemps qu’ils ont l’impression de faire partie des meubles, et que pour changer de mode de fonctionnement, il faudra les faire péter en même temps que les murs.

Alors sincèrement, en quoi est-il tellement « juste », ce bon sang de concours ? Qu’est-ce qui le rend si inestimable ? C’est quoi-donc, cette égalité qui laisse sur le carreau les moins aptes à rentrer dans le moule ? Est-ce quon ne vaut pas mieux que ça, nous aussi ?
Est-ce qu’avec tout le temps perdu à tenter de réussir un concours qui nous permettrait d’exercer un métier que l’on fait déjà, on aurait finalement pas eu le temps de le faire vachement mieux, ce chouette métier ?

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