Age d'or ?

Les séries sont en plein boum. OK, c'est pas nouveau... C’est la folie, ce machin ! Même ma mère qui a toujours jugé la télé abrutissante se met à suivre des séries (bon avec quatre ans de retard, mais tout de même !)
Tente juste de glisser discrètement en soirée que tu détestes les séries, que c’est chronophage et systématiquement débile, et vois un peu ce qui se passe ! Les séries ont pris une place considérable dans les loisirs et dans la culture. Au départ, c’était un truc miteux : Julie Lescaut, Madame est servie, Louis la Brocante, Derrick, Amour Gloire et Beauté… Un produit pour neuneus intoxiqués du petit écran ! Un sous-film pour ado attardé ou une occupation pour vieux, stratégiquement placée sur la grille des programmes entre Le juste Prix et Question pour un champion !
Jusqu’au jour où… La série est devenue le summum du chic. Le must have. ZE place to be. Ça ne s’est pas fait en un jour ! Il y a eu une phase de transition que les experts situent au début des années 2000. Elles s’appelaient Buffy, Lost, Dr House, Prison Break, Desperate Housewives… et elles ont peu à peu bouleversé les codes, renversé les préjugés, conquis de nouveaux espaces…
Désormais, pour briser la glace, tu ne demandes plus aux gens ce qu’ils ont vu au ciné dernièrement, mais sur quelle série ils sont en ce moment. C’est de bon ton, c’est tendance.
La série est au top. Mais la série prépare aussi son gros flop. La cause ? La même que dans toute industrie culturelle : la musique, le cinéma, la bande dessinée…

Point de départ : no man’s land !
Des créateurs osent
Le public apprécie
Les créateurs récidivent
Le public est demandeur
Les créateurs augmentent la dose
Le succès est grandissant
Les créateurs ne prennent plus aucun risque : c’est l’esprit « bestseller »
Le public surconsomme grave !
Les créateurs sont sous pression
Le public développe un esprit critique entre deux doses
Les créateurs font n’importe quoi
Le public est déçu
Les créateurs tentent d’appâter le chaland avec des produits faciles
Le public sature et se tourne vers une autre marotte
Les années s’écoulent dans le silence
Rebelote : des créateurs osent…

En ce moment, j’ai un peu l’impression qu’on a atteint un point de saturation. Il y a toujours une forme d’émulation quand une série au-dessus de la moyenne se fait une place au soleil. En 2017, Handmaid’s Tail a décroché la timbale et a amplement mérité son succès. Mais était-ce une raison pour adapter TOUS les ouvrages de Margaret Atwood en si peu de temps ? En les voyant s’arracher ainsi les miettes de son œuvre, j’ai cru voir une allégorie peu flatteuse de moi devant une pizza 4 fromages ! Puis ils se sont mis à fanfaronner stupidement : « Eh regardez, on adapte un autre texte de la meuf que vous aimez bien !....mais si l’autre-là…. La féministe ! Viendez goûter, ça va être encore plus-mieux ! »
Ne nous leurrons pas, l’effet d’annonce y est pour beaucoup. On nous vend souvent du rêve : la série évènement, celle qui sera la nouvelle Game of Thrones ou Breaking Bad. Le consommateur s’enflamme, puis il réalise qu’il s’est fait avoir et la série s’éteint finalement après quelques laborieuses saisons.
C’est pas parce qu’on est mordu qu’on est prêt à avaler n’importe quoi ! Quand j’étais ado, je dévorais les Harry Potter (j’ai dû lire les premiers tomes 3 fois chacun). J’avais beau être fan, j’ai systématiquement détesté tous les produits pseudo-équivalents qu’on a essayé de me vendre ensuite. Je m’y suis essayée mais j’ai beaucoup regretté. Déjà parce que cela entachait mes sacro-saints souvenirs Potteriens, ensuite parce que je ne voulais pas d’une pâle imitation, d’un aspartame dégueulasse : je voulais retrouver l’émotion que j‘avais ressentie en découvrant cet univers merveilleux. Pour ce faire, il aurait au contraire fallu me proposer quelque chose de novateur, qui n’aurait souffert aucune comparaison, quelque chose d’original que j’aurais aimé différemment. C’est à ce problème que sont actuellement confrontés nos scénaristes et réalisateurs. Il faut séduire à tout prix, mais à force de vouloir choper, on finit forcément par passer pour un gros lourd !
On tente de nous refiler des scénarios bourrés d’édulcorant, des acteurs paumés que les fans attendent au tournant depuis quelques années, des réalisateurs sur le retour qui pigent tout juste que la série est un parachute idéal… ça marche ? Tant mieux ! On enchaine sur une deuxième saison, on ne perd surtout pas le fil ! Ça ne marche pas ? Tant pis, on retente la même recette avec des ingrédients différents. Tant pis si c’est indigeste, écœurant, lassant. Une bonne page de lubricité devrait faire glisser tout ça !

Le point culminant de la blague, c’est le vieux pot : le remake, le reboot. Un petit cadeau bonus laissé sur le paillasson par l’industrie du comics !
Car comment relancer l’intérêt d’un bouffeur de série blasé pour une industrie qui s’enfonce dans la médiocrité ? En retroussant ses manches pour lui proposer enfin des produits de meilleure qualité ? Perdu ! Refilons-lui plutôt quelque chose qui fera vibrer son petit cœur nostalgique : une série entièrement en matériaux recyclés !
Qui a dit qu’il fallait être original et créatif pour plaire ? Et puis bon, à quoi ça sert, puisque tout le monde se jette allègrement sur les suites au rabais de films pondus y’a quarante ans !? Alors pour les séries, on fait pareil : on plonge dans les ordures et on en ressort un film générationnel ou une bonne vieille série bien kitsch que l’on retape entièrement ! On prend Charmed, Dynastie, Beverly Hills, Mc Gyver, Snatch ou encore Rush Hour… on met le tout dans un mixer et tadaaaaa ! C’est parti pour deux saisons de massacre ! Le temps que la curiosité laisse place au désespoir, ils auront déjà pondu un remake à Six Feet Under et mutilé Little Miss Sunshine pour en faire une série de dix épisodes !
Chier sur ton enfance, éclater le nez de ton adolescence, défoncer tes fiction préférées… On s’en cogne ! Le client est roi, et le roi exige du divertissement, encore et encore jusqu’à la nausée. Si t’es pas content, t’as qu’à pas regarder !

Pourtant, je ne comprends pas moi : j’ai entendu des réalisateurs, des journalistes, de grands acteurs prétendre que de nos jours, la création ne pouvait s’épanouir pleinement que par le prisme de la télévision. On prétendait que l’intrigue y était plus fouillée, les personnages plus audacieux, le ton plus libre qu’au cinéma et qu’enfin, grâce au succès florissant de ces dernière années, le coût des effets spéciaux ne serait même plus un problème. La série, c’était enfin l’occasion rêvée de tout faire ne grand !
Mais alors quoi ? C’est ça, le progrès, le point culminant de cet art : la suite de La fête à la maison ? Bon sang ! Cette série cucul-la-praline était déjà une insulte à l’intelligence dans les années 90. Etait-ce vraiment judicieux de s’imposer cela à nouveau ? Et ne venez pas me parler de second degré ! C’est tout de même fou la quantité de merde qu’on est capable d’ingurgité sous couvert d’autodérision ! Alors qu’il y a quand même une marge conséquente entre regarder un programme de temps en temps, pour déconner, et s’en farcir 8 saisons sans faire appel trente secondes à son esprit critique.
Les séries animées ne sont bien entendu pas à l’abri puisque, prenant exemple sur Disney qui refait compulsivement chacun de ses succès en prises de vue réelles (effets spéciaux crado à la clé), on pourrait tout aussi bien voir surgir une série Nicky Larson, Candy, Les Chevalier du Zodiac ou Olive et Tom qu’on ne serait pas plus étonnés que ça !
Par contre, je vous préviens, si Jacky Chan retouche encore à un cheveu du City Hunter, je balance ma télé par la fenêtre !


…Eh non, c’est pas une blague : Attention, âmes sensibles s’abstenir !

Commentaires