La veste

 Sur un perroquet (pas l'oiseau, le porte-manteau) dans mon salon, repose une vieille veste en jean élimée. Je l'ai retrouvée le mois dernier chez ma mère et j'ai trouvé qu'elle m'allait toujours bien.C'est étrange car elle est encore aujourd'hui un peu grande pour moi et du coup, je me demande ce qu'elle devait donner il y a 20 ans, alors qu'ado, je la portais quasiment tous les jours (et que forcément, j'étais plus fluette).

En ce moment, dans l'hexagone, c'est la fin de l'été, mais il fait encore une trentaine de degrés : moite, suffoquant...bref, désagréable ! En prenant le bus (la mauvaise idée, j'aurais mieux fait de marcher), tandis que j'agite mon éventail, je me demande comment j'ai pu survivre à tant d'étés sans cet accessoire indispensable, comment font ceux qui n'en ont pas...et je me revois lors de mes trajets quotidiens entre le collège et la maison, dans le bus 601. Je me dis qu'à cette époque, même sous 35°, je portais, à l'école comme dans les transports, cette fameuse veste en jean par dessus mes t-shirts et débardeurs. L'objectif implicite et pas du tout assumé : cacher à tout prix mes formes. Je me souviens de la chaleur insupportable, des tissus synthétiques pas du tout adaptés à la situation, de la sueur perlant dans mon dos, sur mon cou, entre mes seins, de la conviction que c'était plus prudent ainsi. Je sais également à quel point j'ai toujours aimé porter des robes et pourtant, en 4e, qu'il pleuve, vente ou que le soleil soit cuisant, c'était jean au moins 5 jours sur 7 !

Désormais, je me dis que je résistais quand même vachement mieux à la chaleur à 14 ans... ou alors, j'ai pitié de ma candeur. Comme si le fait de me masquer sous une combinaison intégrale de jean allait m'aider à disparaitre ! A cette période de la vie où le simple fait d'arborer un pantalon jaune à fleurs bleues vous valait la damnation éternelle, où des baskets sans marque était la pire des infamies, planquer mes formes, c'était une pathétique tentative de me protéger des autres êtres humains. Ceci dit, vus les cas pathologiques du 601, j'aurais mieux fait d'investir dans une cape d'invisibilité ! Pourtant, je le sais, il existe des photos de mois en jupe, en débardeur à bretelle, entourée de mes copines de 3e. A croire que cette lubie ne m'aura pas duré plus d'un an finalement. Ou vraisemblablement pas plus d'un été, qui m'a alors paru une éternité...

Il y a sur le perroquet (non, pas l'oiseau je vous dis !) la fameuse veste en jean de mon adolescence, que je porte maintenant par envie ou pour me réchauffer, les manches trop longues retroussées ; et certainement plus pour disparaitre ; et surtout pas quand il fait 35° ! J'ai encore envie de disparaitre de temps en temps... plusieurs fois par jours même (je demeure un animal sauvage), mais peut-être moins intensément qu'avant. 

Je songe aux regards sans gêne sur mes tétons libérés de soutien-gorge ; je songe aux commentaires que je m'évertue d'ignorer, écouteurs vissés dans les oreilles, lorsque je rentre tard en robe trop courte ; je songe aux jugements à venir sur mes jambes plus assez jeunes et fraiches, dans un petit short plus de mon âge... Et je leur tends à tous mon plus joli majeur. J'ai 36 ans, j'ai 1001 occasions de disparaitre (volontairement ou pas), mais il est hors de question que je continue à le faire avec mes propres vêtements. J'ai passé l'âge de la haine de soit, du moins je l'ai décidé : je suis trop vieille pour ces conneries !!!

Commentaires