Six feet under...ou pas bien loin

Si vous lisez ces mots, c'est que je ne suis plus de ce monde. Accablé par cette vie injuste, j'aurais probablement choisi de me jeter sous le métro, me noyer dans la Seine, sauter du cinquième étage, m'ouvrir les veines dans la baignoires, me gaver le barbituriques, me pendre à une poutre (encore faut-il en dégoter une valable)... ou toute autre manière plus originale d'abréger ses souffrances. Je suis d'ailleurs actuellement en pleine méditation sur la façon la plus radicale d'y arriver, une façon peu coûteuse, rapide et surtout indolore. A vous de décréter si j'y suis parvenu après avoir extirpé de ma carcasse encore tiède cette modeste feuille quadrillée.
J'ignore qui vous êtes. Peut-être êtes vous de ma famille, de mes amis, du personnel des urgences ou encore un simple badaud ayant découvert avec stupeur un cadavre dérivant le long du canal (auquel cas, il est fort probable que ces mots soient rendus illisible par l'humidité et que vous n'y compreniez rien!). Néanmoins, je ressens le besoin de vous confier ce qui m'a poussé à mettre un terme à ma courte et sombre existence. Je vous en prie, lisez-moi jusqu'à la dernière ligne! Cette lettre est l'ultime chose que l'on verra de moi, elle est mon unique vestige, ma voix d'outre-tombe, mon "adieu, monde cruel".
Oui, adieu et bon vent!

Je sens que jour après jour, l'étau se resserre sur mes pensées sordides. L'être humain est trop bête, trop méchant. Il me détruit à petit feu et m'a presque entièrement consumé. Je sens que je n'en supporterai pas longtemps davantage. La grisaille automnale me rend de plus en plus maussade et je sais que je ne vais pas tarder à faire le grand saut. Je rejoindrai enfin Kiki, mon hamster disparu trop tôt, suite à un tragique accident d'aspirateur, Floup, mon poisson rouge, déchiqueté par le perfide chat des voisins et Ray Charles (...qui, comprenons nous bien, n'a rien à voir avec l'assassinat du poisson, mais que j'aimerais beaucoup rencontrer là-haut).
Enfin, je pourrais m'envoler le cœur léger, loin de la misère, de la maladie, de la fin de la retraite à 60 ans. Loin des antidépresseurs douteux et non remboursés par la sécu, loin des privilèges honteux des classes les plus aisées, loin de la hausse du coût de la vie (ouais, parce que 85 centimes, la baguette décongelée, c'est vraiment du vol et c'est pas bon!). Loin de ma mère, qui parle toujours du "temps jadis" comme si c'était l'Eden et perçoit toute évolution , quelle qu'elle soit, comme un produit satanique. Loin de mon père qui boit des Ricards devant Motus et écoute en boucle l'intégral de Carlos depuis son décès. Loin de cette troupe d'imbéciles heureux, que j'ose encore appeler "mes copains", qui se complaît à se foutre allégrement de ma pomme chaque samedi soir. Loin de ce boulot de manutentionnaire de merde à la Fnouc! Loin des steaks trop gras! Du ketchup trop sucré! Des frites trop salées! Loin des poulets élevés en batterie!!! Loin des tubes de l'été, des pimbêches de la télé-réalité, loin de l'argent sal, des canons de beauté trop propres, de l'environnement qui se casse la figure par notre faute, loin des politiciens véreux et mégalomanes, loin de ces ploucs franchouillards qui nous servent de people!... Loin de tout ces cons, de leur société déprimante, de leurs valeurs absurdes. Loin, bordel!
Ah! Qu'est-ce que je serai heureux quand j'aurais mis un point final à tout ce fichu merdier! Qu'est-ce que je serai heureux de pouvoir enfin tout maîtriser, tout gérer comme je l'entends, de dire STOP à toute cette vaste mascarade!
Je dois tout arrêter. Je veux partir. Comme je vous l'ai dis, si vous me lisez désormais, c'est que j'ai pu retrouver ma liberté. Alors, qui que vous soyez, ne pleurez pas... Surtout si on ne se connaît pas. C'est un conseil...parce que ça pourrait paraître bizarre, non? Enfin bon...qu'est ce que je disais, au fait? ... Ne pleurez pas, souriez plutôt avec moi car, enfin, j'ai rejoint un monde meilleur.

Merci de votre attention et à très bientôt, auprès des anges.
Le défunt

Ps: A ceux qui m'ont supporté, j'ai douze euros sur mon compte en banque et la valeur totale de mes affaires doit à peine suffire à couvrir les frais de mes funérailles. Alors inutile de quémander, bande de vautours!

Commentaires

  1. Oh mais non! 'Faut pas pleurer: c'était pour rire!

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  2. Chapeau j'étais bercé par ce message déprimant, mais une fois arrivé à la fin je n'ai pu que me rendre à l'évidence... car ton humour était trop dirigé.
    N'empêche j'avoue un bon humour noir, à mon avis ça a du piéger plus d'un.

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  3. Si je ne m'abuse, ça devrait commencer à faire "tilt" aux environs de Kiki et son aspirateur...

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