Lis tes ratures!

Il parait que pour percer dans le monde impitoyablement fermé des lettres, il faut soit écrire de la soupe de consommation de masse, soit cirer les pompes et l'ego d'auteurs moyens ou d'éditeurs sournois.
Je ne connais pas encore d'éditeurs et le peu d'auteurs que je croise n'ont pas la notoriété nécessaire pour voler à mon secours ou ne mérite même pas un vague couinement d'approbation de mon cochon d'inde (oui, j'ai un cochon d'inde, et alors?).
Du coup, me voilà réduite à écrire de la soupe...voir même du bouillon aseptisé avec colorants et conservateurs.
Toujours en admettant que je veuille devenir quelqu'un, entendons nous bien. Ce pourrait tout aussi bien ne pas être le cas. Je ne vois pas forcément en quoi les séances de dédicaces devant des fans en délire seraient plus séduisantes que le rangement de la réserve tous les premiers mardi du mois... Non, vraiment pas! Donc, si demain, je m'apperçois que je veux absolument devenir "riche et célèbre" (formule consacrée), c'est à peu près ce que je devrais faire.

Je pourrais m'embarquer dans une romance sirupeuse et pleine de bons sentiments. Un homme rencontre une femme. Par le plus grand des hasards. Ils se plaisent rapidement, se revoient encore et encore. Elle est belle et pleine d'esprit, il est beau et déçu de la vie. Et il l'aime, et elle l'aime. Ils vivent une passion douce et simple, avec quantité de petites joies et de moments tendres, comme les aiment les ménagères de plus de 30 ans qui courent pieds nus dans les champs de coquelicots avec un cocker sur les talons et des enfants qui rient en allant voir les vaches!
A un moment pourtant, l'histoire tourne au vinaigre. Ils se disputent, se séparent, peut-être l'un d'eux avait-il un secret. Un terrible secret! Ou bien l'un tombe malade, se blesse, disparaît... Parfois, même, il meurt, ou du moins, on le croit. Dans ces moments-là, évidemment, il convient de verser une petite larme, voir une véritable cascade pour les plus sensibles. Oui, il y a toujours un passage, dans ce genre de roman, où les lèvres du lecteur se mettent à trembler, où les yeux se mettent à briller. Une boule se forme dans la gorge et l'on a envie de hurler: "Non! C'est pas possible! Helen ne peut pas mourir/partir/le trahir/souffrir...etc ! Non! Jules ne le supporterait pas!!!"
Ah! Qu'est-ce que j'aimerais qu'un jour mon Jules et mon Helen suscitent autant d'émotion que ceux de...euh... afin de préserver leur "anonymat" nommons les sobrement G, L et M (par ordre croissant d'aversion). Enfin, voilà! Toujours est-il que moi aussi, si j'veux d'abord, je peux écrire un pavé rose bonbon à dédicacer au salon du livre. Peut-être même un par an, toujours plus attendus, toujours plus vendus, toujours plus insipide (comme N). J'ai , à ce propos, une bonne liste de titres adéquats à proposer, pour mes romans à venir comme pour ceux de mes concurrents.
Il y a les titres alimentaires (mon cher Watson): "la fraîcheur du lait de coco" ; les titres animaliers: "la rumba du cacatoès" ; les titres exagérément longs: "le jour où je mangeais des petits beurres au soleil sur un banc en attendant le prince charmant" ; ceux à l'inverse bien trop courts, généralement des prénoms féminins (inutile de vous faire un dessin, prenez un calendrier et débrouillez-vous) ; les titres-injonctions: "N'y va pas!" ; les titres aux points de suspension qui en disent long: "Ce soir ou..."... et tant d'autres encore.
Quand je vous dis que j'ai de l'avenir chez R. Laffont ou Gallimard comme conceptrice de titres de best-seller. C'est même une profession que l'on devrait inventer spécialement pour moi.

Dans le registre de la soupe hors-concours, nous avons aussi cette collection assez particulière d'ouvrage pour midinettes de tous âges, mettant généralement en scène deux personnes qui s'aiment et vivent des aventures rocambolesques avec à la clé quelques passages très relativement osés (à peine de quoi donner des bouffées de chaleur à mère-grand, rassurez-vous). L'avantage, m'a-t-on dit, c'est que l'on peut concevoir une intrigue en plusieurs volumes et donc se créer une armada de fidèles lectrices avides d'en découvrir davantage sur la douce et pure Orianne et le corsaire de son coeur, le torride Arturo. Diantre, que c'est excitant!
Mais l'inconvénient notoire, c'est que ce type d'ouvrages subit un rythme de publication assez semblable à celui d'un magazine. Ce qui signifie que, non seulement je devrais pondre un navet tous les quatre mois, mais qu'en plus, mon cageot (de navets!) aurait une espérance de vie extrêmement limitée. Ce qui signifie aussi que ce n'est pas avec ce genre de chef-d'oeuvres que je pourrais faire mon trou sur la scène littéraire française, ni même, et c'est bien là le plus triste, me constituer un joli petit pactole. Lequel m'aurait pourtant permis de me dégoter un logement digne d'un auteur à succès et de me consacrer entièrement à une histoire plus sérieuse et aboutie.
Enfin, comme dirait certainement un grand philosophe de ma connaissance: "C'est la vie."

Toutefois, que ceux qui s'inquiètent du sort que je réserve à Orianne, son Arturo et au petit Clément se rassurent: pour le moment, je n'ai, pour ainsi dire, rien de plus intéressant à faire.

Commentaires

  1. Lis ceci, cela pourra peut-être t'aider...
    http://eleblay.blogspot.com/2010/10/livrez-vous-moi.html
    Sinon persiste et signe.

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  2. Merci pour ces conseils. J'en prends bonnes notes et je poursuis mon "périple" dans ce grand foutoire créatif qu'est internet. J'espère qu'on s'y croisera à nouveau ^^

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