Pigeon-vole

Parmi les créatures les plus redoutables de la création, entre l'araignée et le serpent, se trouve le terrifiant...pigeon! Un être abominablement laid, stupide et répugnant, dont la capacité à se baigner dans l'eau des égouts n'a d'égale que celle à ingurgiter les choses les plus écœurantes (détritus, déjections canines, vomis...etc)
Oui, le pigeon est probablement l'espèce la plus crainte par les humains, surtout s'ils vivent en ville. Surtout si cette ville est Paris. Ils semblent révéler ce que leur habitacle a de plus sale et de plus hideux. Ils les rappellent à leur triste condition de citadins perdus dans un grand espace nauséabond, forcé de cohabiter avec les dernières créatures susceptibles de les supporter: les pigeons, les rats, les cafards. Bref, le pigeon nous rabaisse à cette vulgaire condition de nuisible. Il pointe du doigt, ou plutôt de l'aile, notre manière de vivre, comme eux, les uns sur les autres, tassés, victimes, malheureux, notre manière de nous pavanés vainement dans notre petit univers gris, notre manière, enfin, de rejeter les faibles, les incompris et les différents, tels de vulgaires déchets. Oui, le pigeon nous tend, malgré lui, un miroir sordide mais réaliste qui roucoule sournoisement: « Tu me ressembles »

Je rencontre au quotidien deux types de pigeons. D'une part, nous avons le pigeon ramier, ce gros volatile gris avec deux tâches blanches sur le cou, assez propre sur lui et, chose a priori anodine, migrateur. D'autre part, il y a le pigeon vulgaire tel qu'on le croise dans les rues de ma ville, reconnaissable au fait qu'il y réside toute l'année...malheureusement diraient certains. Peut être y en a-t-il d'autres que je n'ai pas encore remarqué mais pour le moment, ce sont les seuls sous-genres de pigeons que je connaisse. Leurs points communs? Ils oscillent tous deux bêtement de la tête en marchant, se laissent volontiers nourrir par les humains, refusent de s'envoler alors même qu'on les menace d'un coup de pied en pleine pomme, s'autorisent une petite séance de bronzette sur les pelouses lorsque le temps le permet. Leurs différences? L'un est un oiseau ordinaire qui ne tardera pas à rejoindre des terres plus ensoleillées et accueillantes, l'autre est un rat volant, un parasite qui polluent les monuments, les trottoirs, les statues et véhiculent des tas de microbes! Enfin, ce dernier se distingue de son congénère par ses doigts régulièrement manquant, ce qui est d'ailleurs loin d'émouvoir les citadins qui le fréquentent (bande de sans-cœurs). Lesquels, au mieux les nourrissent, les observent ou encore les évitent scrupuleusement, au pire, les empoisonnent, les mutilent ou font installer sur leurs fenêtres des piques, convaincus, ces grands naïfs, que les pigeons, terrifiés et meurtris, prendront leurs clics et leurs clacs et quitteront la ville illico.

Ah, évidemment, sur la façon d'exterminer, de repousser, de stériliser les pigeons, beaucoup de choses se murmurent, mais sur l'Incroyable Mystère de leurs Doigts Manquants, pas un mot! Il s'agit pourtant d'un curieux phénomène qu'il nous faudrait éclaircir. Comment un pigeon peut-il devenir quasi-manchot? (haha-haha... rire de circonstances)D'aucuns vous diront que, bêtes comme ils le sont, les pigeons ont généralement tendance à se coincer les pattes dans les essuies-glace des voitures qui les sectionnent net. Mais j'ai, pour ma part, de sérieuses raisons d'en douter.
1- A-t-on déjà vu un pigeon monter sur une voiture? J'ai eu beau en voir partout, je ne me souviens pas d'en avoir vu s'agiter sur un par-brise. Ors, compte tenu du nombre de pigeons handicapés, on devrait en avoir croisés plus d'un.
2- A-t-on déjà rencontré quelqu'un qui se plaignait d'avoir « encore » retrouvé des doigts de pigeons ensanglantés dans ses essuies-glace? Une fois encore, ce devrait être chose courante.
3- A-t-on seulement vu une seule fois des doigts de pigeon se balader sans leur propriétaire?

Alors, trois possibilités (mais peut-être en voyez-vous d'autres?) :
1- Ou les pigeons perdent leurs griffes pour cause de gangrène. Cela devait bien arriver, vu le temps qu'ils passent à se vautrer dans la fange et à picorer n'importe quoi!
2- Ou ils se volent tant et si bien dans les plumes qu'ils finissent par se mutiler les uns les autres.
3- Ou nous avons affaire à un complot international de pigeons qui sacrifient volontairement un ou plusieurs de leurs ignobles doigts (parfois même trois d'une même patte) afin de fabriquer une arme bactériologique redoutable, dans le but de nous anéantir et ainsi de garantir la suprématie des pigeons sur la Terre.

Sur ce, je vous laisse méditer sur ses délicates questions et vous souhaitent à tous de bonnes fêtes de fin d'année, pleines de cadeaux, de repas incroyablement Gargantuesques, de décorations qui scintillent et de grosses bises échangées après le dernier son de cloche.

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