Passé composé

Ces temps-ci, je suis nostalgique. Comme quoi, pas besoin d'atteindre les quatre-vingt balais pour regretter le passé! En fait, ce n'est pas vraiment le "passé" (parce que celui là, quand je le regarde dans le yeux, il m'arrive encore d'y croiser le spectre aux cheveux gras, à l'appareil dentaire monstrueux et à la peau maculée d'excroissances purulentes de mon adolescence!) mais plutôt des bribes, des détails qui me manquent parfois. Évidemment, ou plutôt, heureusement, une vie n'est pas une succession de jours, inévitablement similaires (oui, j'adore les adverbes!). On a tous l'opportunité, du moins je l'espère et le souhaite même pour les moins chanceux d'entre nous, de voir se transformer notre existence à un moment ou à un autre: untel tombe amoureux, a des enfants, adopte un lama, une girafe, divorce... tel autre déménage en Russie, trouve un emploi ou le perd, fait des rencontres nuisibles ou enrichissantes...etc. Rien de bien captivant en soi, mais que voulez-vous? C'est la vie et on n'a pas tous signé un contrat à la "Indiana Jones".
Bref. Revenons à nos moutons. Je disais donc que je me sentais d'humeur à me pencher sur des faits et émotions passées. Telle une vieille cloche, je ressasse intérieurement quelques souvenirs heureux (oui, car pour les "malheureux", concrètement, nul besoin de renfoncer le couteau dans la cicatrice!).
Hier je parlais justement de chevaux avec des amis. Et là, vous vous dites: la pauvre, elle perd la boule! Alors que rien n'est plus à propos que le cheval! Actuellement, c'est l'une des choses que je regrette le plus (j'en ai fait pendant 10 ans: de quoi laisser quelques traces, n'est-ce pas?). Être au galop au milieu d'un champ qui s'étend à perte de vue, c'est, je le conçois, un peu cliché, mais surtout l'une des meilleures sensations de mon court passage sur cette terre Je recommande cette expérience à tout le monde et en profite pour passer cette annonce: s'il y a une bonne âme parmi vous qui veut m'offrir un ranch, je l'aime déjà.

Ce qui me manque aussi, et qui n'a pourtant rien à voir, c'est cette étrange impression que l'on ressent lorsqu'on est captivé par une histoire, lorsque le livre qu'on lit nous habite même quand on l'a refermé, jour et nuit et quoi qu'on fasse. Ce qui me manque c'est la passion pour la lecture, le désir incessant de se planquer dans un coin pour poursuivre l'aventure. Connaître la suite, certes, mais surtout pas la fin! Car, voyons, une fin, c'est tellement triste. On coupe alors définitivement avec un univers particulier, une histoire, des émotions, des vies... Lire en boulimique mais sans jamais finir!
Et en ce moment (manque de bol, compte tenu du métier que j'exerce) je suis un peu en froid avec cette passion-là. Ça fait quand même un sacré bâille que je n'ai rien lu de semblable. Ce qui ne veut pas dire que je ne ressens plus rien fasse à un livre (sinon, je n'ai plus qu'à aller faire pousser des choux-fleurs,) mais plus rien qui me tienne éveillée, le corps frémissant d'angoisse et d'impatience, jusqu'à 3h du matin. A croire que trop de bouquins finissent par tuer le bouquin!

...

Oui, bon, je ne vous ai jamais leurré quant à la "grande extravagance" de ma petite vie sage et n'ai pas non plus affirmé que ma "nostalgie" du moment était sensée ! Ces épisodes peuvent paraître dérisoires et bêtement sentimentaux (Marcel, sors de ce corps et lâche-nous une fois pour toute avec ta "madeleine"!) mais vous n'allez pas me faire la morale. Primo, parce que je suis sûre qu'on est tous à peu près dans ce genre de bateau et secundo, parce que si vous ne vouliez pas me voir geindre, pas besoin d'être devin pour comprendre qu'il fallait débarrasser le plancher passée la première ligne!
Donc, avec votre autorisation (qui, il faut bien l'avouer, m'est extrêmement précieuse) je peux poursuivre mon délire rédactionnel... Et c'est là que se trouve tout le charme du monologue, car je sais avant même d'achever ma phrase que personne ne va broncher.

En vérité, il y a tant de choses qui sont désormais condamnées à rester dans le passé. Je pense en particulier à des rencontres, des évènements, des bonheurs, des moments de complicité à jamais envolés. C'est tout de même dommage de perdre de vue tout ce qui jadis a pu faire partie intégrante de nous même (et je ne parle pas uniquement de mes dents de sagesse!). Les amis, par exemple, vont et viennent au fil des années. Certains arrivent, d'autres disparaissent progressivement sans laisser de mot d'adieu, puis reviennent un beau jour, alors qu'on s'y attendait si peu. Si les rencontres sont parfois d'agréables surprises, les départs ne se font pas toujours dans la joie et la bonne humeur, on s'en doute. Néanmoins, je suppose qu'il doit être impossible de conserver à vie un lien avec tous ceux qui nous ont un jour "séduit". Les gens changent, c'est inévitable. Ceux qui nous ont adoré un jour peuvent tout aussi bien nous détester le lendemain et il va de soi que nous ne sommes pas non plus des anges à ce niveau-là. (Toi dans le fond, ne fais pas l'innocent! Tu sais très bien de quoi je parle.)

N'empêche que, au risque de vous sembler bien naïve et puérile (si d'aventure tu passes par ici, je sais que tu saisiras l'allusion), moi, ça me file toujours le cafard, ce genre de réflexions sur la vie qui suit posément son cours tandis qu'on... bon, admettons...que JE me raccroche désespérément à quelques vestiges ancestraux.
J'espère seulement que nous sommes nombreux à avoir ce genre d'états d'âme. Non pas que ça me réjouisse de vous savoir passablement déprimés - je ne suis pas à ce point sadique - mais à l'occasion, on pourra peut-être monter une cellule de soutien psychologique pour grands Peter-Pans mélancoliques. On parlera de nos tracas pendants des heures, on grignoter des tartines beurrées au Nesquik et on jouera à dauphin-dauphine.
Venez nombreux, mes petits choux!

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