Coin-coin, le gentil petit canard!!!

Le vilain petit canard est une joli petit conte, finalement assez proche du fameux "mes parents ne sont pas mes vrais parents ; en vérité je suis une princesse que le roi et la reine ont abandonné à de véritables tortionnaires et plus tard, je serai riche, belle et je dormirai sur un petit poids!".
Il raconte l'histoire, finalement assez probable, d'un caneton fort laid et maladroit, bouc-émissaire de sa charmante petite famille et qui, en grandissant, s'aperçoit qu'il n'était pas un canard ordinaire mais un magnifique cygne blanc. En fin de compte, oui, c'est presque crédible comme histoire: un œuf égaré, une maman un peu trop gentille et le tour est joué.

La chose qu'il ne faut pas manquer de préciser, lorsqu'on raconte cette parabole à un enfant, c'est que "vilain" n'était pas alors synonyme de "méchant", mais bel et bien de "pas top-canon du tout". C'est un détail qui a son importance. Petite, je me suis longtemps interrogée sur les méfaits présumés de cette pauvre bête. Je n'eus a aucun moment l'occasion de constater qu'elle était aussi vilaine que le titre le laissait entendre ; et lorsqu'enfin je compris le second sens du mot... j'avais passé l'âge et le mal était déjà fait! Imaginez le trouble dans l'esprit d'un enfant de cet âge, l'amalgame déplorable qui s'y fait : moche va de paire avec méchant (comme dans les film de Walt Disney!) et l'on est forcément mauvais lorsqu'on a un cou aussi difforme, des palmes aussi larges et des plumes aussi hideuses. Et à la fin quoi? Devient-il gentil en même temps que beau? Non, vraiment, ce mot est un véritable problème pour tout enfant habitué à entendre "Ouh que tu es vilain!" à chaque fois qu'il fait une bêtise.
Pourtant, certains prétendront qu'un tel conte vise à établir la beauté comme notion subjective et même très secondaire. D'autres diront qu'il s'agit d'une métaphore de l'adolescence, que l'histoire illustre à merveille cette impression d'être disgracieux, en désaccord avec le reste de l'espèce, voir même, étranger. Puis un jour, se métamorphoser, s'envoler, renaître. Devenir adulte et prendre pleinement possession de son corps et de son esprit. Se fondre véritablement dans un groupe d'individus et trouver sa place.

Sous un autre angle, on peut y voir une toute autre symbolique. N'est-on vraiment bien qu'avec les gens qui nous ressemblent, tant sur le plan physique que sur le plan psychique? Bien que ce ne soit pas indispensable à une bonne relation, il est parfois plus facile d'évoluer dans un groupe qui a le même état d'esprit que nous, les mêmes valeurs, peut-être même, un sens de l'humour et des centres d'intérêt communs. Mais qu'en est-il de l'apparence, de l'image que l'on donne? A aucun moment du conte l'esprit singulier du vilain petit canard n'est mis en avant et comparé à celui de ses frères et sœurs. On ne nous parle que de son apparence risible. De ce fait, on retrouve un peu en eux cet attitude détestable qu'ont certains adolescents : rire de l'autre, se moquer ouvertement et en société de son allure, de ses fautes de goût, de ses différences. Bref, le tourner continuellement en ridicule pour les choix qu'il a fait et ceux qu'il n'a pas pu faire. Un tel chapitre me connaît bien, mais nous en parlerons dans une autre vie. Toujours est-il que notre caneton, rejeté par ses congénères, ne semble pas l'être pour des raisons mentales, mais uniquement selon des critères physiques. De même, il est accepté parmi les cygnes puisqu'il s'avère qu'il leur ressemble. Alors soit, me direz vous, les animaux sont ainsi. Ils reconnaissent l'un des leurs.

Eh bah c'est faux! Combien d'histoire de lapereaux, de chatons, de poussins adoptés par une famille d'une autre espèce avez-vous entendu? Combien de maman lionne, merle ou ourse ont rejeté leurs petits pour une raison obscure? Quoi? Vous n'avez jamais regardé 30 millions d'amis?!?
De toute façon, dans le cas présent, la reconnaissance de l'un d'eux et ce genre de déductions de zoologiste à la petite semaine n'est pas recevable, pour la simple et bonne raison que les volatiles en question sont humanisés. Anthropomorphisme, mes amis! Ce mot magique qu'il vous faudra intégrer à votre vocabulaire (s'il ne l'était déjà) pour mieux décoder La Fontaine, Grimm, Perrault et compagnie. Non, mesdames et messieurs, un chat de porte pas de bottes ni de chapeau. Non, un loup de parle pas et ne revêt que très rarement la chemise de nuit de votre grand-mère. Non, les renards ne s'amusent pas à encenser les corbeau pour une part de Leerdammer. Tout ceci n'est qu'un vil stratagème destiné à nous faire croire que "c'est d'un stupide lion quelconque dont je parle, et sûrement pas de notre bon roi Trucmuche" (un peu comme si je vous racontais des saloperies sur mes collègues en changeant les noms, pour être sûre qu'ils ne se reconnaissent pas... c'est-y pas naïf?)

Mais pour revenir à nos canards, voici le plan: faire croire à chacun qu'il s'agit de bestioles alors qu'on parle de phénomènes à 95% humains : le rejet ; le passage à l'âge adulte ; la découverte qu'un autre avenir est possible...
Le problème, donc, le voici: pourquoi serions-nous forcément bien accueillis par des créatures qui, comme nous, ont un bec orangé, un long cou gracieux, de grandes palmes et un plumage blanc? Ce que j'essaye de mettre en mots, tant bien que mal, devant vos yeux ébahis, c'est...euh... qu'il ne suffit pas d'avoir trois chromosomes en commun avec le voisin pour devenir son meilleur ami. Après tout, le cygne X a beau me ressembler, peut-être est-il tout aussi con que mes anciens camarades de jeu!
Peut-être que finalement, le vilain petit canard est un conte sectaire, discriminatoire, que sais-je encore! Ou bien peut-être que ce vilain petit canard n'a véritablement rien compris à ce qui fait le sel d'une relation! Et peut-être qu'il va se prendre une autre grosse mandale de la part de ses nouveaux supers copains!

A un tel niveau de contradiction, qu'en est-il vraiment du Lac de Cygnes? C'est une question légitime à laquelle je répondrai dans un prochain épisode de "T'es qu'un canard!".

Commentaires

  1. ...un peu comme si je vous racontais des saloperies sur mes collègues en changeant les noms,...

    même pas cap... :)

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