Recréation

Pendant presque deux mois, j'ai eu beau essayer, c'est resté bloqué. J'étais constipée de l'écriture. Pas faute d'avoir envie, mais impossible. Oui, je sais, la métaphore est heureuse et parfaitement poétique. Bref, c'est une chose qui arrive régulièrement. Il m'arrive aussi de ne plus trouver dans la littérature, par exemple, rien de satisfaisant. Je ne doute pas qu'il puisse y avoir des trésors à découvrir, mais il faut croire que je ne me sens plus l'âme d'une aventurière ou d'une chercheuse d'or. Ça peut prendre du temps, ça peut être pénible, voir même déprimant, mais je ne perds pas espoir, je sais que ça reviendra. Pour ce qui est de la lecture en tous cas...

Pendant deux mois donc, c'est un peu comme si j'avais la tête pleine de brouillard, comme si, malgré tous mes efforts, rien ne pouvait en sortir, exception faite d'un vide abyssal. Pire encore, j'étais convaincue que rien dans la vie ne me destinait plus à écrire. Il y avait certes des projets, des envies, des sursauts vaguement créatifs, mais à quoi bon? Enfant, je rêvais d'être auteur. Pas forcément d'être riche et célèbre, mais simplement d'écrire deux-trois broutilles, par-ci par-là, qui me permettraient de vivre décemment. D'être autonome. De me réaliser, comme on dit pour se donner un genre pédagogue.
Puis il a bien fallu faire un choix: même les auteurs aux succès respectables ne parviennent pas toujours à vivre de leurs plumes, alors pourquoi moi plutôt qu'un autre?! Je me suis faite une raison: je continuerai l'écriture en tant que loisir (et tant mieux si la chance me souriait), mais je me choisirai un VRAI métier.

Il y a peu, ce vrai métier, ainsi que tout ce qui peut remplir une existence, me semblaient occuper davantage de place que je ne l'aurait souhaité. Au milieu d'un tel bordel, l'écriture a commencé à s'essouffler, à rétrécir, à perdre de sa saveur. Elle étaient toujours là, bien sûr, mais n'avait plus la même importance qu'autrefois et semblait presque réduite au rang de souvenir. "Un jouet poussiéreux oublié dans le grenier" serait une métaphore taillée pour l'occasion!
A quoi bon perdre un temps précieux pour des conneries que même propre mère a renoncé à lire?! (bon, là, c'est le "moi" aigri et désabusé qui parle. En réalité, je n'en veux absolument pas à ma mère de ne pas lire mes "conneries", ça me permet d'aborder certains sujets plus librement (si vous voyez ce que je veux dire!).)

Au fur et à mesure, j'ai fini par accepter de ne pas être un "écrivain", mais bel et bien une "employée lambda" (ça arrive à des gens très bien, j'en suis la preuve irréfutable). A la question "que fais-tu dans la vie?", je réponds fatalement "je suis bibliothécaire". Je ne peux pourtant m'empêcher de songer que notre profession n'est pas l'unique chose que nous "faisons dans la vie", ni même, parfois, la plus importante. Pour bien faire, il faudrait donc reformuler le problème:
"Que fais-tu dans la vie, quand tu ne fais pas comme tout le monde?", "Que fais-tu dans la vie que je ne sache déjà?", "Que fais tu dans la vie, pour la gagner?". Ah, quelle perte de temps, ce paragraphe! La question comme la réponse n'ont finalement aucune importance. Il s'agit juste de meubler, de faire un pas de danse maladroit vers l'autre. Ce qu'il fait vraiment de sa vie n'aura d'importance qu'avec le temps.

Toujours est-il qu'arrive un moment, peut-être même de nombreux moments, dans la vie où, comme dirait ma philosophe préférée (Mafalda !) on a l'impression que ce n'est plus vraiment nous qui menons notre vie mais que "c'est elle qui nous pousse". Pendant ces deux mois, alors que la vie me poussait dans des directions parfois opposées, j'ai semble-t-il abandonné quelques "bagages superflus". Ce n'était pas une question de temps, mais plutôt de volonté, d'énergie, de motivation et toujours cette même interrogation : "A quoi bon?".

Un jour, alors que je croyais avoir renoncé à tout ce blabla de pacotille, la réponse s'est imposée à moi.
Comment ça, pourquoi faire?! Mais parce que justement, ce que l'on fait dans la vie ne se résume pas à la gagner ou à la mener. Parce qu'il y a des gens, des choses, des moments, des envies qui pimentent le quotidien et qui, heureusement, le rendent moins chiant. Parce que c'est toujours un plaisir (même s'il n'est pas partagé) que de coucher quelques lignes sur un bout de papier ou sur un clavier. Parce qu'en cherchant bien, on trouve toujours quelque chose à raconter. Et parce que, même si le monde entier s'en bat les steaks, moi, ça me plaît!

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