Comment dire?

Tentative d'écriture datant du 15 mai 2008

Sincèrement. Tu imagines ? Tu me vois vraiment tenter quoi que ce soit ? Oser ! Essayer, au moins. Me lancer sans me soucier du râteau que je risque de me prendre ! Tu m’imagines réellement, là, devant un canon (ou pas, d’ailleurs ! on est pas non plus obligé de se taper la huitième merveille du monde !), baragouiner des phrases sensées, sérieuse et posée, consciente de ma valeur et de mes innombrables qualités ?
C’est inenvisageable. Impossible. Décidément insurmontable. Depuis quand les gourdasses de mon espèce sont-elles capables de séduire un homme ? Volontairement, je veux dire ! Depuis quand peuvent-elles prendre les devants et lui faire savoir qu’elles aimeraient bien aller un peu plus loin (en tout bien, tout honneur, évidemment) ? En résumé, depuis quand une pauvre petite nouille fragile, sensible et inadaptée socialement peut-elle effrontément avouer à un type qu’il lui plait ?
De plus, tu me connais, je suis paranoïaque et bien trop idéaliste pour oser lui parler. Un simple « bonjour » et me voilà déjà rouge comme un steak tartare ! Je me fais des films. Des comédies, romantiques bien souvent, et même des tragédies quand rien ne va plus. Tu comprendras donc qu’au moindre petit accrochage, c’est instantanément le drame. Pas de seconde prise. La scène est définitivement foutue…et moi avec ! C’est ainsi. J’ai toujours été une bien piètre réalisatrice de ma propre existence.

Tu ne comprends toujours pas ? C’est à croire que tu le fais exprès ! Admettons.
J’ai en face de moi l’homme idéal (enfin, au premier abord). Gentil, drôle, intelligent, détendu, un minimum sociable, imprévisible, pas trop mal… mon antithèse, en fait ! Finalement c’est plutôt rassurant de s’intéresser à quelqu’un qui n’a pas les mêmes défauts que soit. On se soutient mutuellement…enfin, l’on se soutiendrait si…bref !
Maintenant que j’ai dressé le tableau, passons au contexte. Je connais cette personne depuis…deux ans (oui, c’est le temps qu’il me faut pour me dégeler un peu. Consternant mais véridique !) et je l’apprécie beaucoup. Evidemment, je ne fonce pas non plus droit dans le mur, car j’ai pris soin de repérer quelques détails qui laisseraient à penser qu’il m’aime bien. C’est armée de cette idée que je me présente à lui en ce jour. Nous nous retrouvons seuls et je me risque à prendre la parole.
Veux-tu bien interpréter le rôle du garçon en question pendant que je me chargerais du mien ?
C’est très aimable.

Je profite donc d’un moment de silence pour me lancer. Attention, prépare-toi !
Cela débuterait probablement de la sorte :
_ Tu sais, j’ai pensé qu’un de ces quatre, on pourrait peut-être, si ça te dis, se faire un ciné…ou autre chose. C’est comme tu veux ! Si le cinéma ne te tente pas, on peut très bien aller au resto, au musée, à une fête foraine, se promener en pleine nature, faire du shopping, ou même rester sur un banc, à discuter… d’ailleurs, si tu ne veux pas parler, ça ne pose pas de problème non plus ! Enfin, voilà, je voulais simplement te dire que si ça te tentait, ça serait sympa…de mon point de vue, en tout cas.
Là, tu prendrais certainement une profonde inspiration afin de me répondre avec tout le sérieux qu’une telle demande mérite (Ne ris pas, idiot ! A côté de ça, une demande en mariage, c’est de la gnognotte !) :
_ …Eh bien…
_ Ce que je veux dire c’est que si tu trouves que ça à l’air d’un rencard, c’est surtout parce qu’il y a des chances pour qu’en effet, ce soit ce que ça a l’air d’être. C'est-à-dire que, si ce que cela à l’air d’être ne te dérange pas, voir même, t’intéresse un peu, ça m’a l’air parfait également. Enfin, peut-être pas parfait, mais si tu ne vois aucun inconvénient à me suivre dans une sortie qui m’a tout l’air d’être ce que ça parait être, j’en serais pour le moins assez contente, pour ne pas dire ravie… Alors, qu’en dis-tu ?
Attention ! Nouvelle tentative de l’interlocuteur :
_ …Je…
_ Ravie est peut-être un peu fort pour une chose qui, finalement, ne serait pas autant ce qu’elle a l’air d’être que cela. Ce n’est pas que j’ai peur des mots, mais tout de même ! Peut on vraiment appeler ça ainsi si ce n’est pas vraiment le cas ? Tout ça pour dire que je ne veux absolument pas te mettre la pression. C’est pourquoi, si tu considères que ma proposition n’est pas digne d’intérêt, ne te sens surtout pas obligé d’accepter. Ta pitié me serait tout aussi insupportable qu’un hypothétique refus…ce qui ne veut pas dire que tu dois refuser. Du moins, si cela te traverse actuellement l’esprit, j’aimerais autant que tu le fasses avec tact. Inutile pour autant de me ménager. Dis-moi simplement que tu n’es pas intéressé…enfin, peut-être pas aussi crûment, mais quelque chose de clair et de concis serait idéal. Evidemment, tu peux aussi choisir d’accepter ma proposition…toutefois, je ne veux pas t’influencer. Je préfère que tu me dises toi-même ce que tu en penses.
Troisième tentative de prise de parole :
_ …
_ Si néanmoins, par le plus grand des hasards, tu préfères ne pas interférer dans notre amitié, il va de soit qu’elle reprendra immédiatement son court normal. Plus question d’aborder le sujet de ce qui aurait pu être ou ne pas être. J’oublierai cet affront…le mot est un peu fort, non ? Disons plutôt que j’oublierai ton refus et, de ton côté, tu feras, si tu le souhaites, un effort pour oublier définitivement cette conversation. Je t’assure qu’il serait alors préférable de réagir de la sorte car je me sentirais affreusement mal à l’aise, et j’ose imaginer que toi aussi, si chaque matin, je devais affronter le regard de celui qui m’a dit « non ».
_ …En fait, je…
_ Enfin, voilà. A présent, les cartes sont entre tes mains. A toi de décider. Je peux même te laisser un peu de temps pour réfléchir…d’ailleurs, je n’ai pas vraiment le choix. Il faut que je parte. Comme le temps passe vite ! Donc…tu me donneras ta réponse tout à l’heure…ou demain…ou encore la semaine prochaine, rien ne presse ! Surtout prend ton temps. Ce serait tellement dommage que tu sois amené à regretter ta décision.
Là-dessus, deux possibilités : Soit le jeune homme a désormais une forte envie de m’étrangler, quelle que soit, au départ, l’idée qu’il se faisait de notre petite escapade ; soit, durant tout ce temps, il tentait vainement de me signaler qu’il avait une femme, des jumeaux, un golden retriever et une maison à la campagne !

Commentaires